Histoire du hameau de Suzon –
Les temps anciens firent naître de nombreux hameaux dans la région. Suzon est l’un d’eux, et certainement pas le moins intéressant. Perché sur sa hauteur, le hameau domine le ranc de Saint-Peyre et la vallée à ses pieds. Pour la période préhistorique, les témoignages d’archéologues font apparaître une occupation chalcolithique de cette colline.
Lisons ce qui est dit dans les « Compte-rendus de la société scientifique et littéraire d’Alais » (1872), publiés par la Bibliothèque nationale de France (en savoir plus) : (*)
« A partir du hameau de la Bégude, s’ouvre une vallée étroite et profonde, de 4 kilomètres environ d’étendue, et qui, sur cette région, est le seul passage naturel praticable pour franchir la chaîne et gagner le versant opposé. C’est la vallée d’Argensol, parcourue dans toute sa longueur par le ruisseau torrentiel du même nom qui prend son origine dans le voisinage du hameau de Suzon et vient se réunir, près de la Bégude, au ruisseau d’Arlinde. Quand on remonte la vallée d’Argensol, on ne tarde pas à voir se dessiner, dans la direction du midi, un pic d’une forme singulière, identique à celle de l’oppidum de Laudun, connu sous le nom de Camp-de-César, et dont le profil rappelle, avec plus de régularité peut-être, celui de l’Acropole athénien. C’est le pic de SantPèile ou de Suzon, et au sommet duquel s’élevait, suivant M. Germer-Durand et le capitaine Colson, l’ oppidum des Segustones. La colline présente, au nord et au levant, l’aspect d’un cône tronqué à base elliptique, dominé par un plateau horizontal de (…) 300 mètres de diamètre, dont les escarpements verticaux se développent comme une enceinte fortifiée et atteignent de 20 à 26 mètres d’élévation. Du côté du couchant, qui est le seul accessible, le flanc de la montagne s’infléchit suivant une pente d’environ 45°, aboutissant au lit du Séguisson dont les eaux suivent une faille étroite au milieu de rochers abruptes, et se perdent dans les gouffres profonds connus sous le nom des Aiguières, qui séparent le pic de Suzon du mont Lansac. C’est sur le flanc occidental du pic de Suzon que s’élève le hameau du même nom, composé d’une quinzaine d’habitations rurales.
Sur la partie la plus élevée du plateau qui couronne le pic, on retrouve encore les amorces d’un mur d’enceinte et les restes d’une citerne voûtée ; et de fréquentes trouvailles faites sur ce point et sur les flancs de la colline viennent journellement ajouter preuve sur preuve à l’opinion admise que ce lieu fut jadis le centre d’une agglomération gallo-romaine. La partie la plus élevée du plateau ne contient guère que des débris de poteries celtiques. Une pièce d’argent a pourtant été trouvée dans la propriété Domergue qui couronne le plateau. Elle est de l’empereur Trajan. Cette pièce est perforée vers le bord, particularité que nous avons constatée sur diverses monnaies impériales, et qui semble prouver que les Romains portaient quelquefois ces pièces suspendues à leur cou comme une amulette, ou les conservaient enfilées sur un cordon, comme les Chinois font pour leurs sapèques. Mais si le sommet du plateau et l’intérieur de l’enceinte gauloise contiennent peu de vestiges gallo-romains, en revanche, la pente de la colline, à partir du hameau de Suzon jusqu’au lit du Séguisson, en est littéralement jonchée. Le sol est couvert de fragments de briques, d’amphores, de poteries samiennes vraies ou imitées. Aux abords du ruisseau, s’ouvre, dans le flanc du rocher, un boyau incliné où se trouve pratiqué un escalier taillé dans le roc vif, donnant accès au premier gouffre des Aiguières, et permettant aux défenseurs de la place investie de s’approvisionner d’eau à l’insu de l’ennemi. (…) Que le pic de Suzon ait ou non été l’ancien refuge des Segustones, on ne peut s’empêcher d’y reconnaître tous les signes caractéristiques d’une de ces anciennes places fortes gauloises, désignées par les auteurs latins sous le nom d’oppidum. »
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L’étymologie de Suzon ne pose pas de problème car elle est attestée par cette inscription « Segusto », sur cette poterie que l’on trouve au Musée lapidaire de Nîmes. Segusio ou Segusto est le chef lieu de la peuplade des Segusiones ou Segustones, car les Romains créèrent des divisions administratives (civitates) en leur attribuant le nom que se donnaient ces peuplades antérieures à leur colonisation. L’oppidum de San Peile, les vestiges archéologiques du village de Suzon viennent de plus attester l’antiquité du peuplement en un lieu particulièrement remarquable. On peut considérer Suzon comme la cité originelle de l’actuelle commune de Bouquet. Et maintenant que nous avons Segustones, chacun remarquera la parenté de ce nom avec le nom de la rivière Segusson ou Seguisson, avec la même racine.
Cultes :
En 1715 donc, on note la présence du prieuré Saint-Jean de Suzon. C’était un prieuré, uni, comme le prieuré voisin de Notre-Dame d’Arlende, à la sacristie du monastère de Goudargues. — L’évêque d’Uzès le conférait sur la présentation du prieur de Goudargues. Ce qui dénote une population relativement importante sur ce hameau.
(*) : « Au moyen âge, Suzon fut le siège d’un prieuré régulier, désigné sous le vocable de Saint-Jean et uni, comme le prieuré voisin de Notre-Dame-d’Arlinde, à la sacristie du monastère de Goudargues. Ce prieuré possédait une chapelle aujourd’hui détruite, mais dont l’emplacement et les traces du pavé subsistent encore à côté de la citerne publique. Des fûts de colonnes en calcaire dur provenant de cette église sont encore encastrés dans le mur latéral d’une maison voisine. Nous en avons retrouvé un tronçon qui soutient un manteau de cheminée dans la maison Gayet. Ce dernier nous a cédé un chapiteau roman qui surmontait la colonne et dont le caractère architectural nous paraît remonter au XIIe siècle. Un autre tronçon de colonne cannelée d’un plus grand diamètre, attenant à la citerne publique, a été creusé en forme d’auge pour abreuver les chevaux. La chapelle de Saint-Jean-de-Suzon, fut sans doute, au moyen âge, l’objet d’une dévotion particulière : c’est ce qui paraît résulter de l’appellation vulgaire de la colline elle-même, désignée sous le nom de Sant-Pèile, correspondant à celui de Saint-Pilon ou montagne sainte. »
Les habitants :
Aux environs du IIIe s. avant notre ère, apparaît le premier habitat aggloméré caractérisé. Il se développe sur 4,5 ha au bas du flanc sud-ouest de la colline de Saint-Peyre, au contact des petites gorges du ruisseau du Séguissous. Ce sont les vestiges d’un oppidum romain qui en témoigne (cf. la vignette qui lui est consacrée).
Ensuite, la maison médiévale (cf. la vignette qui lui est consacrée) nous laisse à penser qu’entre le VIème et le VIIIème siècle, en plein Haut Moyen Age, la colline était toujours habitée sur son flanc.
Autour de l’année 1650, un riche bourgeois nommé La Beille s’installa sur ce flanc de montagne et y fit construire une solide bâtisse, à mi-chemin entre le ruisseau « Le Séguison » et l’oppidum de Suzon. La plaine s’avéra propice aux cultures et quelques familles de paysans s’installèrent. Ainsi le hameau de Suzon se peupla considérablement.
Puis avec les guerres (1870, 1914 et 1940) qui ont vidé les campagnes, et aussi l’exode rural et le manque d’eau, Suzon perdit peu à peu ses habitants. Jusqu’à XXème siècle, où les ruines se sont vendues. Suzon s’est reconstruit et aujourd’hui revit.